De la nécessité de créer des dieux vengeurs.
La justice des hommes est intrinsèquement imparfaite. Nous constatons tous nos limites et notre incapacité à stopper tous les crimes et/ou à appréhender tous les criminels, dans ce contexte le concept de justice surnaturelle, une justice due à une entité ou à des forces omnipotentes et omniscientes, offre un complément rassurant. De Yahvé et sa tendance à prendre la mouche (le bannissement du Jardin d’Éden, le déluge, Sodome & Gomorrhe, les 7 plaies d’Égypte, etc.) aux méchantes ombres dans le film Ghost, on trouve tout un camaïeu de personnage qui fait régner à la fois la peur et la justice. Cette croyance en une punition surnaturelle accompagne l’espèce humaine depuis des millénaires et est largement étudiée par les scientifiques.
S’il existe des études montrant que la croyance religieuse peut mener à des comportements altruistes et à un surcroît de volontarisme (Monsma, 2007), l’une des questions consiste à savoir s’il existe différents types de croyance divine et le cas échéant quels sont leurs différents effets. Car contrairement à ce qui est affiché par les cultes, qui cherchent dans un contexte de tension, à unifier la croyance divine en un seul bloc, la croyance religieuse, comme tout ce qui concerne l’Homme, est marqué par la diversité.
Des croyances surnaturelles variées amènent à des comportements différents
Shariff et Norenzayan (2011) montrèrent que des étudiants croyants à un Dieu vengeur de nature coléreuse avaient tendance à moins tricher aux examens, alors que ceux qui croyaient en un Dieu rédempteur et compatissant trichaient plus. La figure d’un divin punitif entraînait un comportement pro social.
Dans une autre étude remarquable, Shariff et Rhemtulla (2012), compilèrent un très large spectre d’informations internationales sur les croyances dans le monde (World Values Surveys), es types de crimes (UNODC) et différentes données démographiques comme les disparités de revenus (indice de GINI), le taux de criminalité, la densité urbaine, la population carcérale, etc. (CIA World Factbook). Après analyse statistique, il apparut que les croyances en l’enfer et au paradis ont un effet significatif, croire en l’enfer entraine une baisse du taux de criminalité alors que croire au paradis entraine une hausse de la criminalité. Par ailleurs, l’utilisation d’un grand nombre de variables a permis de mettre en évidence que ce que nous considérons intuitivement comme fondamental dans l’émergence de comportement criminel, tel que la prospérité économique ou la répartition de la richesse, ne semble pas avoir un effet premier sur la criminalité. L’une des justifications de ces résultats serait que la croyance en un Dieu punisseur amène les individus à un comportement pro social, par crainte d’être frappé par la foudre colérique de l’être suprême. Alors qu’à l’inverse un Dieu de compassion et de pardon donne à l’individu l’impression qu’il pourra toujours nettoyer ses fautes dans l’avenir et facilite la transgression aujourd’hui.
Big Brother will watching you vs Gaia
Un sujet aussi sensible et mettant en jeu une telle variété de paramètres nécessite d’être plus exploré, mais ne devrait pas être déconsidéré. Même si la France est un pays qui, d’après de nombreuses statistiques (1,2) est majoritairement athée et en dépit d’une impression de « victoire » de la raison sur les croyances dogmatiques durant le 20e siècle, il s’avère que la religion est toujours présente et revers une importance particulière pour ceux qui croient. Plus important, les croyances transcendantales semblent avoir un effet sur les comportements sociaux et à ce titre ne doivent pas être simplement mis de côté. Durant le XXe siècle, les possédés furent peu à peu remplacés par les extraterrestres, il est possible de voir dans l’escalade sécuritaire amorcée en occident (augmentation du parc de caméra de surveillance, loi liberticide s’attaquant à la toile : Patriot Act états-uniens en 2001 ou loi « antiterroriste » française de 2014), le remplacement du Dieu des Livres par un nouveau Dieu vengeur, un TechnoDieu de la surveillance… Orwell en cauchemardait, le XXIe siècle l’a fait.
A l’inverse, on pourrait espérer un projet alternatif, un modèle de croyance rationnelle basé sur une conscience accrue de notre environnement. Cette éthique inspirerait un comportement pro social non pas en inspirant une crainte surnaturelle et primitive, mais en faisant réaliser les implications de nos actes, dans une biosphère où toutes les formes de vie sont interconnectées.