La guerre, c’est dans l’air.
Suis-je un paranoïaque conspirationniste ? Ou n’avons-nous pas ces temps-ci une fâcheuse tendance à désigner des ennemis. Le gouvernement syrien, la Russie, les islamistes d’Irak, qui soit dit en passant sont les mêmes que nos dirigeants voulaient aider contre Bachar el-Assad et qui ont pu constituer un État islamique, parce que les américains ont provoqué le chaos en Irak… Sans rentrer dans une analyse géostratégique, qui n’est pas le sujet ici, on constate tout de même que ce n’est pas le désir de paix qui anime nos dirigeants. Et tout cela n’est pas nouveau, le dirigeant typique des pays industrialisés, « l’homme blanc riche et âgé » n’est pas spécialement connu historiquement pour son pacifisme : la colonisation, les deux guerres mondiales, entre autres, suffisent à nous le prouver.
L’agressivité des vieux mâles…
Ce premier et simple constat trouve un écho dans la littérature scientifique, Horowitz, McDermott et Stam (2005) en analysant plus de 100 000 binômes de relation entre États sur 200 ans (1872 à 2002), constatèrent que plus les dirigeants étaient âgés plus les chances d’escalade et de conflits militarisés étaient élevées. Une des idées courantes est que la testostérone joue un rôle dans les mécanismes d’agressivité et de domination, or Harman et al. (2001) ont montré que le taux de testostérone décroît avec l’âge chez les hommes dans les pays industrialisés. Et pourtant, c’est bien l’homme mûr voire très mûr qui dirige dans ces pays. Chez d’autres primates, comme les macaques japonais (Takahashi, 2002), on observe que c’est cette catégorie qu’on retrouve en position dominante et au sein des chimpanzés non seulement les vieux mâles sont d’un rang social plus élevé (Goodall 1986), mais ils sont aussi plus agressifs (Muller et al., 2004).
les mènent au pouvoir.
Si ce schéma se reproduit si largement dans la famille des primates, c’est que l’évolution a pu faire émerger une structure sociétale où le mâle entre deux âges est considéré comme plus pertinent aux responsabilités. La caste des vieux mâles compenserait sa dégénérescence physique par une agressivité accrue, cherchant à maintenir le statut quo. Leur attitude dominatrice, les amènerait à s’imposer d’autant plus comme leader naturel au moment des conflits intergroupes.
Autres indices de l’importance de l’âge dans les rapports sociaux, la rapide discrimination de l’âge dans les visages, dès 4 mois ; la préservation de cette capacité, même lorsque des lésions cérébrales altèrent la reconnaissance des visages et des émotions (Montepare et al. 1998) , laisse à penser qu’il existe une fonction spécifique inscrite dans notre cerveau.
En 2012, Brian Spisak se livra à une série de deux expériences pour identifier à qui la confiance du public irait préférentiellement en temps de guerre. Dans la première expérience, il présenta à 145 personnes via une interface en ligne, diverses scénarios, incluant des conflits entre Nations. Les participants devaient voter pour les visages, créés artificiellement, qu’ils verraient bien diriger en temps de guerre. Conformément aux données de la littérature scientifique, les visages d’hommes ayant l’air plus âgé recueillaient plus de votes, en situation de conflit, alors qu’en temps de paix, c’est les visages ayant l’air plus jeune qui recueillaient plus de votes. Les hommes n’ont pas de préférences marquées pour les visages d’hommes par rapport aux femmes, mais préfèrent les hommes aux femmes quand ils sont vieux. Au contraire, les femmes n’accordent pas plus leurs préférences aux visages d’hommes qu’aux visages de femmes quand ils sont vieux, mais préfèrent ceux des hommes quand ils sont jeunes.

Visages artificiellement créés, servant de support aux votes des participants. Avec dans l’ordre usuel de lecture, les vieux: homme et femme, puis jeunes: homme et femme.
Dans la seconde expérience, incluant 224 participants, ce sont des visages de figures politiques connus qui furent utilisés, celles de Barrack Obama et John McCain. Dans un protocole similaire à l’expérience précédente on utilisa ici des images neutres des deux hommes et une version « vieillis ». Là encore, les votes allèrent préférentiellement sur les versions « vieillis » en temps de guerre.

Visages des politiciens américains servant de support aux votes des participants. Avec dans l’ordre usuel de lecture, la version jeune de Barrack Obama et John McCain, puis la version âgée de Barrack Obama et John McCain.
Le danger d’une figure si naturelle
Ces différentes données peuvent malheureusement expliquer le caractère belliqueux de certains politiques. Une classe de dirigeants, souvent plus âgés, a manifestement tout intérêt à créer consciemment ou non, un climat conflictuel, pour apparaitre plus légitime. Elles expliquent peut-être également l’omniprésence de la figure du vieux chef, ou du vieux guerrier, qu’on trouve dans la fiction en littérature, au sein des films, des séries, des jeux vidéo, etc. Mais plus effrayant parfois dans l’histoire, citons Mac Mahon ou encore le vieux maréchal Pétain…
Lors de l’expérience précédemment citée il n’était pas prévu que la jeunesse, soit un critère de choix en temps de paix et il serait intéressant de sillonner l’histoire du monde pour voir si les jeunes dirigeants sont effectivement des vecteurs de paix. Il est important de se rappeler, que même s’il existe une naturelle inclinaison pour la figure du vieux chef de guerre, celle-ci peut probablement être équilibré par notre programmation environnementale, comme la capacité de rotation spatiale évoquée dans un précédent article, mais pour cela il faut comme toujours avoir conscience du peu d’emprise que nous avons sur nos comportements.