La force des mots.
Il est plutôt courant, particulièrement chez nos politiques, de s’étendre en paroles non suivis d’actes concrets, pourtant le langage n’est pas désincarné, cette fonction est issue d’un long processus évolutif et possède un lien étroit avec l’action. Chez l’homme, le lobe frontal du cerveau est impliqué notamment dans la production du langage et de mouvement volontaire, ses deux fonctions sont donc anatomiquement liées.
En 2010, Victor Frak et ses collègues mirent au point une expérience visant à confirmer ce lien. Des participants s’installaient devant une table sur laquelle ils posaient leurs deux mains, ils portaient un casque qui diffusait une liste de mots, l’expérience se décomposait en deux tâches à effectuer en parallèle :
- saisir et soulever un objet cylindrique
- compter le nombre de répétitions d’un mot cible
La liste de mots était composé de verbes d’action impliquant le mouvement des mains et des bras (écrire, jeter, etc.) et de noms sans liens particuliers avec une action physique (moulin, falaise, etc.).
Les mesures montrèrent une différence significative entre la force exercée pendant l’écoute d’un verbe d’action et la force exercé lors de l’écoute d’un nom. Une augmentation importante de la force de pression était observable dès 100 ms après que le verbe fut entendu avec une déviation significative par rapport à la courbe des noms autour de 260 ms.

Courbes des forces exercées selon l’écoute de verbes (courbe foncée) ou de noms (courbe fine). Avec en abscisse le temps en secondes, en ordonné l’amplitude normalisée de la force exercée.
Jump ! Jump !
Une autre étude de Rabahi et al. (2013) vient appuyer le lien entre verbe d’action et performance physique. En faisant effectuer des sauts verticaux en squat à des sujets, l’équipe de chercheurs constata que si le saut était précédé de l’écoute ou de la lecture du mot « saute » la hauteur était plus importante qu’en condition « normale ». Cet effet ne se reproduisait pas ou dans une moindre mesure avec d’autres verbes d’action spécifique comme « pince »,« lèche » ou d’autres verbes d’action plus générique, comme « bouge ». La prononciation du verbe sauter en chinois, « tiao », n’avait également aucun effet. Par contre la prononciation du verbe « gagne », améliorait la hauteur du saut, laissant à penser l’existence d’un réseau sémantique/neurologique impliquant l’action et sa réalisation effective.
Ha dou ken !!!
Il apparait assez logique qu’il y est interaction entre des fonctions voisines au niveau anatomique (lobe frontal). D’un point de vue évolutif, on peut penser que les mécanismes intentionnels dépendants du lobe frontal ont émergé d’une structure commune, mêlant espace et temporalité. Planifier, agir, au niveau du langage ou du corps relève finalement, au niveau conceptuel, à la même chose. L’existence au sein de notre espèce de gestes universelles, comme le froncement de sourcils ou la désignation en pointant du doigt amène à postuler que la parole n’est peut-être qu’une forme plus récente communication, autrefois purement gestuelle.
La prochaine fois que vous verrez Saiya ou Sailor Moon hurler les noms de leurs attaques, dites vous que c’est simplement pour qu’elles soient plus puissantes. Ah y sont fort ces japonais…