Déficits de représentation de la gauche et de l’Histoire. 2e partie.

Dans l’article précédent, nous avons vu ce qu’était la NSU (négligence spatiale unilatérale), ce trouble issu d’une lésion cérébrale qui a pour effet d’empêcher une représentation consciente d’une partie du champ perceptif. Il a également été évoqué une étude faisant l »hypothèse que ces troubles des représentations spatiales pouvaient s’étendre aux représentations temporelles.

Il s’avère qu’au sein des cultures où l’on lit de gauche à droite, nous aurions tendance à « placer » les événements sur une ligne temporelle où la gauche serait le passé et la droite le futur. En explorant la  littérature scientifique on tombe sur une étude d’Alan Cienki de 1998, montrant que cette supposition n’est pas dénuée de sens, et que dans diverses langues, notamment le français, on organise effectivement le temps sur un plan de gauche à droite.

Venons-en à l’étude élaborée par Arnaud Saj du département de neurosciences de l’Université de Genève et ses collègues.

La méthode

D’abord les participants, tous francophone:

  • 7 personnes avec des lésions pariétales, souffrants de NSU.
  • 7 personnes avec des lésions pariétales, mais sans NSU.
  • 7 personnes dite « contrôle » à savoir sans trouble reconnu.

L’expérience se déroulait en 3 phases:

  1. Les participants devaient apprendre les préférences alimentaires passés et futurs d’un personnage fictionnel nommé David. Les aliments à apprendre s’affichaient sur un écran où un indice indiquait la modalité temporelle, un chapeau blanc lorsqu’il s’agissait d’aliment que David aimait dans le passé, noir lorsqu’il s’agissait d’aliment aimera dans le futur.
  2. Les participants devaient rappeler les aliments de la 1er phase. Et pour chaque aliment, préciser si il s’agissait d’une préférence passée ou future de David.
  3. 14  items étaient présenté aux participants, cette fois-ci, sans les indices temporels (les chapeaux).  10 étaient déjà présents durant la 1er phase et 4 autres furent rajoutés. Les participants devaient indiquer s’ils avaient déjà vu les items et si ceux-ci étaient des préférences passées ou futures de David.

Ce protocole fut répété 3 fois avec d’autres paramètres. Au lieu des préférences alimentaires de David on fit apprendre le contenu de son appartement, ses préférences vestimentaires, ses loisirs.

Résultats

A l’issue de l’expérience, les résultats confirmèrent  que  chez des francophones souffrants de NSU, il y a un bien un déficit de mémorisation des événements liée au passé et donc à l’espace gauche de la frise temporelle.

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Résultats de la phase de rappel

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Résultats de la phase de reconnaissance

Discussion

Même si tous les résultats ne furent pas significatifs statistiquement, la tendance générale donne raison à l’hypothèse des chercheurs. Déficit de représentation temporelle et déficit de représentation spatiale peuvent être liés. Au-delà des implications dans la prise en charge médicale des personnes souffrantes de NSU, ce type de découverte entraînent, comme souvent, une pléthore de questions. Parmi elles, on ne peut s’empêcher de penser à l’importance de la langue, comme système de conditionnement et de représentation. A quel point nos considération temporelles peuvent être malléable par la structure de notre langage?

Tiens pour le prochain article je vais essayer de dénicher des exemples liés aux systèmes de représentations et aux langues!

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