L’universalisme de façade, le multiculturalisme de fait.
J’en ai plein le dos! Ich habe die nase voll! I can’t stand this!
Bien qu’un mouvement récent cherche à unifier à marche forcée les hommes en niant la diversité, nos langues elles, nous ramènent à la réalité. Nous sommes divers, des milliers de langues existent et portent en elles la manifestation des multiples expressions de l’humanité. En effet, les langues ne sont pas que des codes décrivant une réalité fixe et intangible. Bien au-delà de cela, elles forment notre réalité en lui attribuant des propriétés particulières et font des différents locuteurs des « étranges » ne partageant pas véritablement la même réalité. Éloge de la division? Plaidoyer contre l’universalisme purement idéologique? Non, là encore la science nous fournit quelques éléments pour appuyer cette intuition.
La langue structure nos représentations et nos représentations structurent la langue.
Les Guugu Yimithirr, un peuple d’Australie, appelé usuellement « aborigènes », possèdent une langue où le système d’orientation spatiale est différent du nôtre. Leur système de langage n’est pas « égocentré », il n’existe pas chez eux de point de référence et donc pas de gauche, droite, devant, derrière. Les travaux du linguiste, Stephen Levinson, ont montré que dans la langue des Guugu Yimithirr, le système de relation spatiale s’organise à partir des points cardinaux. Cette particularité a donné à cette tribu un sens de l’orientation remarquable et un locuteur racontant une histoire en désignant des directions dans l’espace est capable même des années après de désigner les mêmes directions cardinales, alors qu’il n’est plus orienté de la même manière.
Autre exemple, le peuple Wampanoag, issue des natifs américains Algonquin. Ce peuple fut un des premiers à rentrer en contact avec les colons britanniques du « Mayflower ». Malgré des débuts prometteurs, cette interaction, comme nous le savons aujourd’hui c’est plutôt mal passé. Les colons ont peu à peu envahi les terres Wampanoag et ont imposé leur mode de vie marchand. Durant cette colonisation culturelle, le langage des Wampanoag s’est transformé. Ainsi, la linguiste Jessie Little Doe Baird a découvert que le mot « nataarkeem » signifiant « je suis physiquement la terre et la terre est physiquement moi » fut de moins en moins utilisée et finit par être remplacé par « natarkee » désignant la terre comme une chose extérieure à ma personne. (désolé pour les spécialistes je retranscris de l’audio aussi les erreurs sont probables)
Le langage naturel comme matrice de la pensée.
Pour formuler un message nous devons piocher dans les propositions possibles au sein de notre langue, ce qui implique de suivre des routines pré-formatées, c’est ce qu’évoque par exemple Lucy Suchman en 1987. La langue apparaît donc comme une matrice de formation de l’esprit, au moins à un certain niveau.
Cette idée peut avoir d’innombrables implications dans l’éducation, la diplomatie, la constitution de structure culturel/politique et la notion de peuple. J’ai toujours pensé que Descartes se trompait quelque part, malgré la pertinence de son « cogito« , car avant de pouvoir douter, ce cher René à dû apprendre à structurer un message dans sa propre langue et c’est cela qui a déterminé sa philosophie.