On ne réforme pas un système mourant, on l’abat.
Il m’arrive régulièrement de parler avec des personnes que j’estime, mais qui ne sont pas du même avis que moi (si si c’est possible). Bien souvent nos discussions se portent sur la politique, notamment le régime dans lequel nous vivons et comment les changements nécessaires en ce temps de crises doivent être opérés Je ne m’en cache pas je suis un partisan de la révolution, je ne crois pas qu’on puisse amener un système défaillant à se réformer, de la même manière qu’on ne peut pas négocier avec un cancer, on le combat point final. Cet avis tranché n’est pas issu d’une rage, d’un sentiment vain, d’une crise d’ado interminable, mais d’une patiente observation de l’Histoire.
- Clisthène à Athènes
- La chute de l’empire romain
- La réforme protestante
- La révolution copernicienne
- La glorieuse révolution
- Les révolutions américaine et française…
Je pourrais continuer comme cela pendant des pages et des pages, j’invite tous ceux qui lisent ces lignes à scrupuleusement analyser les changements historiques et à constater cette réalité, on ne réforme pas un système mourant, on l’abat.
L’analyse statistique montre le passage d’un régime dit « autocratique » à un régime « démocratique » s’opère toujours rapidement.
Aussi, lorsque je me lance dans une recherche d’article scientifique portant sur l’anthropologie et que je tombe sur l’étude dont je vais vous parler aujourd’hui, j’exulte, il existe une analyse statistique montrant que le passage d’un régime dit « autocratique » à un régime « démocratique » s’opère toujours rapidement, avec un temps médian de 2,4 ans. Cette information provient d’une étude de 2011, faite par Patrik Linderfors, Fredrik Jansson et Mikael Sandberg. Les trois chercheurs se sont intéressé au phénomène de mutation des régimes politiques passant de la dictature à la démocratie. En effet, depuis la chute du mur de Berlin et la « victoire » des «monde libre» sur les infâmes communistes mangeurs de nourrissons, l’idée générale veut que le monde tout entier évolue vers la démocratie libérale à l’anglo-saxonne. A la manière des « Lumières » du XVIIe siècle, les peuples seraient tous bientôt éblouis par la « raison libertarienne » (en voilà un bel oxymore) . En démêlant les informations pertinentes des dogmes néolibéraux anglo-saxons, on s’aperçoit qu’effectivement, depuis 200 ans les régimes politiques mondiaux prennent largement des directions plus démocratiques. Pour en revenir à notre étude, Linderfors et ses collègues cherchaient à savoir à quelle vitesse cette tendance s’était opéré. Pour cela, il utilisèrent le « Polity IV Data Series », une importante base de données assignant une notation au régime politique de chaque Nation sur une période de 1800 à 2013 (2008 pour cette étude, qui était antérieure à la mise à jour de la base de données). Les scores sont attribué en fonction de plusieurs critères, comme le recrutement des décideurs, la présence de contre pouvoirs, la participation de la population dans les décisions, etc.
En observant l’évolution des scores dans le temps, les chercheurs ont découvert qu’il existait 122 transitions entre démocratie et dictature, 79 transitions décrivaient un passage d’un régime autocratique à un régime démocratique et 43 allaient dans l’autre sens. Sur les 860 changements institutionnels, 511 s’orientaient sur plus de démocratie et cela de manière significative statistiquement, confirmant l’avis général d’un monde récent tendant vers la démocratie.

Graphique (a) à gauche, avec en abscisse les années des transitions et en ordonnée le nombre d’observations. Graphique (b) à droite, avec en abscisse les nombres de changements institutionnels durant les transitions, en ordonnée le nombres d’observations. En bleu, les transitions vers la dictature en rouge les transitions vers la démocratie.
Ces transformations s’opèrent très rapidement, ainsi comme il l’a été évoqué précédemment le temps médian de transition s’effectue en 2,4 ans et 75 % des transitions se font en 11 ans. Le nombre médian entre ces étapes est de 1 avec 78 % des changements s’opérant avec 2 étapes. Il est intéressant de constater que dans l’autre sens, de la démocratie à la dictature, tout va également très vite. Avec 0 étape en valeur médiane et 75 % en 1,4 an, montrant que la disparition de la démocratie est encore plus rapide que son établissement.
L’évolution culturelle plus rapide que l’évolution biologique.
L’évolution biologique s’effectue lentement et verticalement, en passant les gènes des parents qui survivent génération après génération, quelquefois ponctuer de mutations accidentelles, l’évolution culturelle peut avoir lieu horizontalement. Les « mutations de paradigme » peuvent être conçu par un groupe d’individus qui va « contaminer » d’autres groupes et individus. Cette « horizontalité » et cette capacité à créer donne plus de célérité et de flexibilité aux changements sociaux par rapport aux mutations biologiques.
En elle-même, cette étude rappelle à quel point les choses vont vite en matière de changement de régime et ceci grâce à des soubresauts puissants impulsés par les humains et non pas lentement mis en place par la « Nature ». Si les changements politiques adviennent, c’est probablement parce que des hommes et des femmes s’activent à penser d’autres mondes et ne se bornent pas à suivre celui qui a été mis en place par d’autres avant eux. Ce ne sont pas les réformettes qui font l’Histoire, mais les révolutions.