Nous sommes tous des italiens
S’exprimer ce n’est pas seulement émettre des phonèmes avec son appareil phonatoire. Tous les humains pratiquent divers gestes et postures lorsqu’ils communiquent (pas seulement les italiens). Certains se sont intéressés, plus ou moins scientifiquement, à ces gestes et à leurs significations. Citons par exemple, la programmation neurolinguistique, abrégé P.N.L, qui se voudrait une méthode efficace pour « maitriser » la psyché, mais qui n’est que très peu scientifique dans sa pratique et qui fut initiée par des personnages troubles (Richard Bandler, l’un des créateurs de la P.N.L, fut impliqué dans une affaire criminelle et divers litiges financiers avec le cofondateur de la méthode…)
Même si des personnes peu scrupuleuses et des scientifiques en mal de papiers se sont emparé du phénomène, il n’en demeure pas moins intéressant et d’autres chercheurs continuent à explorer les propriétés du langage non verbal.
Être gauche, être droit tout est dans le geste
Lorsque l’on produit une action nous sommes toujours influencés par notre système de représentation. En occident notamment, nous savons que nos langues sont imprégnées de l’idée selon laquelle la droite est liée à ce qui est bon et la gauche à ce qui est mauvais (idée communément répandue dans nos élites politiques et économiques, mais ça n’est pas le sujet ici…).
On trouve ainsi en français :
- être gauche : maladroit
- être droit : personne de confiance, juste.
En anglais :
- The right answer : la bonne réponse, où bonne=droite
- Two left feet : avoir deux pieds gauches, être maladroit, comme dans l’expression française.
En italien le mot sinistra, signifiant gauche à la même racine latine que sinistre en français.
Mais il existe d’autres exemples :
- dans la société ghanéenne il est interdit de désigner quelque chose de la main gauche
- dans la doctrine islamique les actions salissantes sont réservées à la main gauche,
- enfin dans la Rome antique, les orateurs étaient enjoints à ne pas utiliser
Si cette idée est aussi largement répandue, ce n’est pas parce qu’intrinsèquement la gauche serait le mal et la droite le bien, mais serait plutôt due à la latéralité. Je ne révèlerais rien d’incroyable en vous disant qu’il existe de par le monde des droitiers et des gauchers, cette propriété comportementale se manifeste par une préférence à initier les gestes d’un côté plutôt qu’un autre. Il existe également une latéralité cérébrale, elle aussi bien connue, qui fait que les hémisphère cérébraux sont plutôt spécialisés (par exemple : le langage dans l’hémisphère gauche, les aptitudes visuo spatiales dans l’hémisphère droit). Une majorité des humains étant droitiers, c’est par ce côté qu’ils interagissent facilement avec le monde alors qu’ils peinent à agir avec l’autre côté, par extension les individus comme les groupes ont finis par attribuer à la droite une valence positive et à la gauche une valence négative.
Observer les mains des politiciens…
En 2009, une étude de Daniel Casasanto a même montré que lorsque des participants devaient juger un personnage dessiné, il avait tendance à donner des caractéristiques positives aux dessins situés du côté de leur latéralité et des caractéristiques négatives à ceux situées dans l’autre côté.
Une des questions émergeant de toutes ces informations est : pouvons-nous identifier une corrélation entre la latéralisation de nos gestes et nos sentiments sur un sujet, lorsque nous nous exprimons ?
Le même Daniel Casasanto a publié en juillet 2010 une étude, avec l’aide de Kyle Jasmin, tentant d’établir une corrélation entre gestes et opinions personnelles. En analysant 3012 propositions verbales et 1747 gestes des politiciens Kerry et Bush (droitiers), Obama et Mc Cain (gauchers) , durant leurs débats télévisés pré-électoraux. Ils découvrirent que les interlocuteurs produisaient plus spontanément des gestes de leur main dominante lorsqu’ils émettaient une proposition verbale à valence positive pour eux-même. Inversement, les propositions verbales à valence négatives s’accompagnaient majoritairement de gestes de la main non dominante. Ce constat était vérifiable tant dans l’intégralité des données qu’au niveau de chaque individu.

Nombre des gestes de la main droite/gauche lors de la production de proposition à valence émotionnelle positive/négative. Clause = proposition; left = gauche; right = droite
Notons que la « puissance » de la latéralisation corporelle est plus importante que celle de la représentation sociale. En effet, Kerry (démocrate) est droitier et Mc Cain (républicain) gaucher, la valence émotionnelle de leurs gestes est inverse à l’arbitraire dichotomie politique gauche/droite.
… avant que des spécialistes de relations publiques les briefent.
Cette étude fournit des informations utiles pour analyser les discours, souvent nous accompagnons nos paroles de gestes, qui au final peuvent trahir notre opinion sur tel ou tel sujet. Je ne serais pas étonné de voir des membres de l’exécutif français produire spontanément des gestes de leur côté dominant lorsqu’ils parlent de croissances, du medef ou de l’exploitation des peuples et à l’inverse de frénétiquement bouger la main contraire lorsqu’il parle d’écologie, de paix sociale, ou de recherche scientifique…
En tous les cas, ouvrez l’œil lors de vos prochaines discussions ou durant les allocutions de nos politiques et décideurs en tous genres.